[MAJ le 23 juin 2021 : Après réflexion, le conseil d’Etat a finalement suspendu l’application des nouvelles règles de calcul de l’assurance-chômage en raison des “incertitudes sur la situation économique”.]
Elle devait entrer en vigueur le 1er novembre 2019, après un débat au Parlement qui risquait d’être mouvementé. Mais le Gouvernement a annoncé le 26 octobre 2020 que cette réforme aussi attendue que redoutée ne verra le jour qu’au 1er avril 2021. Découvrez les principales mesures de la réforme de l’assurance chômage.
Pourquoi une réforme du chômage est-elle indispensable ?
Si l’emploi est au cœur des préoccupations sociales, économiques et politiques, ce n’est pas pour rien. Son indicateur principal ? Le taux de chômage bien évidemment ! Chaque mois, Pôle Emploi sort ses calculatrices et détermine si le marché du travail en France est en bonne santé. Les nouveaux métiers, nouvelles entreprises et nouveaux statuts de travailleurs impactent considérablement le monde de l’emploi, c’est pourquoi il devient primordial de revoir la protection de certains salariés particuliers.
En 2018, les dettes cumulées de l’Unedic sont estimées à 37,5 milliards d’euros. Il est alors grand temps de trouver des solutions pérennes et efficaces pour limiter les trop nombreuses dépenses générées par une assurance-chômage qui n’a pas évolué depuis dix ans.
Les objectifs financiers de la réforme de l’assurance chômage
Le mardi 18 juin, le Premier ministre Edouard Philippe a présenté les nouvelles règles d’indemnisation drastiques. L’objectif de cette réforme est de viser « une baisse de chômeurs de 150 000 à 250 000 sur les trois ans à venir ». Cela devrait représenter plus de 3,4 milliards d’économies de 2019 à 2021.
Le versement des allocations chômage pour les salariés démissionnaires et les indépendants
Pour percevoir les allocations chômage, les Français doivent s’inscrire auprès de Pôle Emploi. Après avoir réalisé un entretien avec un conseiller, des réunions d’informations obligatoires sont organisées afin de comprendre le fonctionnement du site web, l’importance de rester actif dans sa recherche d’emploi ou encore d’actualiser chaque mois sa situation en ligne pour continuer à percevoir les allocations.
Vers un nouveau calcul des droits au chômage ?
Qui dit réforme de l’assurance chômage, dit nouvelles mesures concernant le calcul des indemnités. Le projet de loi prévoit que les 10% des salaires les plus élevés seront victimes d’une indemnisation dégressive à partir du sixième mois. En parallèle, le gouvernement compte augmenter la durée minimale de travail nécessaire pour percevoir des indemnités de chômage. La période passera de 4 mois de travail sur 28 mois à 6 mois de travail sur 24 mois.
Parfois, les demandeurs d’emploi perçoivent des salaires équivalents voire supérieurs à ce qu’ils percevaient lorsqu’ils étaient en activité. Dans ce cas, il est facile de comprendre que certaines personnes ne font pas d’effort pour retrouver le monde du travail… Afin de dire stop à cette situation, le gouvernement souhaite que le montant des indemnités soit calculé à partir d’un revenu mensuel moyen au lieu d’un salaire journalier de référence.
Comment est calculé le salaire journalier de référence ?
Le salaire journalier de référence est calculé en divisant le montant des salaires perçus sur les douze derniers mois par le nombre de jours travaillés, le tout multiplié par 1,4 (de façon à prendre en compte les jours travaillés, sept jours sur cinq). Pour le gouvernement, ce calcul peut favoriser les personnes qui ont été employées à temps plein, mais de façon fractionnée et non sur la durée, et à temps partiel, par exemple. La piste d’un décompte mensuel et non journalier pour les futurs calculs semble envisagée. « Il y a des cas où l’allocation chômage peut être supérieure à la moyenne des revenus […] en raison du cumul de plusieurs règles », relève la ministre. « Un demandeur d’emploi sur cinq » est concerné par ce dysfonctionnement, a-t-elle précisé. Selon l’entourage de la ministre, l’effet est induit par la prise en compte dans le calcul du salaire journalier de référence des seuls jours travaillés, et favorise le fractionnement des contrats. Une personne ayant travaillé pendant un an, 15 jours par mois en moyenne, percevra ainsi au chômage, une allocation mensuelle supérieure à ce qu’elle percevait chaque mois, en tant que salarié.
Cumuler les droits au chômage sera de plus en plus compliqué
A ce jour, lorsqu’un allocataire reprend le travail AVANT la fin de sa période d’indemnisation, il peut reporter ses droits non utilisés mais également cumuler de nouveaux droits au chômage s’il travaille au moins 150 heures (un mois). C’est ce que l’on appelle « le système de droits rechargeables ». La réforme de l’assurance chômage prévoit là aussi un durcissement significatif. Il faudra désormais travailler au minimum 900 heures (six mois) pour « recharger » ses droits au chômage.
La réforme de l’assurance chômage pour les salariés démissionnaires
L’une des grandes nouveautés prévues dans la réforme de l’assurance chômage concerne les salariés démissionnaires. Le projet stipule qu’ils pourront percevoir les indemnités de chômage. Mais bien évidemment, il faudra respecter un certain nombre de conditions. Chaque personne devra justifier d’un projet de reconversion professionnelle ou de création d’une entreprise. Ensuite, chaque dossier sera étudié par une commission pour vérifier la faisabilité du projet et déterminer si oui ou non le salarié démissionnaire peut bénéficier des indemnités de Pôle Emploi.
La réforme de l’assurance chômage pour les indépendants
Dans le programme présidentiel d’Emmanuel Macron, les conditions de versement des allocations chômages aux travailleurs indépendants étaient également abordées. Depuis le 1er janvier 2019, et suite à l’entrée en vigueur de la loi « Avenir professionnel », une indemnisation forfaitaire de 800 euros par mois maximum est allouée aux créateurs d’entreprise qui n’ont pas réussi à monter leur projet. Mais attention, cette somme n’est versée que pendant six mois maximum et il existe des conditions strictes pour en bénéficier.
Tout d’abord, le travailleur indépendant doit avoir subi une liquidation ou un redressement judiciaire. De plus, un revenu d’activité minimal de 10 000 euros par an est exigé pour que le travailleur non salarié puisse percevoir les indemnités chômage. Enfin, il doit avoir travaillé au minimum deux ans avant sa demande d’allocation.
Les demandeurs d’emploi davantage contrôlés et sanctionnés
Face au nombre conséquent de chômeurs, les employés de Pôle Emploi rencontrent des difficultés considérables à assurer un suivi personnalisé. Et pourtant, c’est à partir de ces contrôles que les fraudes peuvent être détectées. Pour faciliter le suivi des dossiers, de nouvelles réformes vont entrer en vigueur d’ici les prochains mois.
Recrutement massif de nouveaux contrôleurs
En 2018 déjà, et pour permettre une surveillance régulière des démarches entreprises par les demandeurs d’emploi, la réforme du chômage prévoyait de tripler le nombre de contrôleurs, passant de 200 à 600 personnes. Ce recrutement en nombre va rendre possible l’application de sanctions, à savoir :
- 15 jours de radiation des listes en cas de non présentation à une convocation (contre deux mois actuellement) ;
- Deux mois de radiation en cas de deux refus consécutifs à une offre d’emploi.
Quant à la sanction déjà existante en cas de refus de formation, elle devrait être tout simplement supprimée.
La redéfinition de l’offre raisonnable d’emploi
Mise en place par Nicolas Sarkozy au cours de son mandat présidentiel, l’offre raisonnable d’emploi (ORE) consiste à radier un demandeur d’emploi qui refuse plus d’une fois un job qui correspond aux critères définis lors de l’inscription, à savoir la nature du poste, le salaire et la zone géographique. En 2013, seuls 77 chômeurs ont été radiés pour ce motif.
Compte tenu de l’échec de cette sanction, le Gouvernement prévoit de remplacer les critères actuels par un profil de poste, rédigé suite à un entretien avec un conseiller Pôle Emploi. De nouvelles informations à ce sujet devraient voir le jour au cours des prochains mois.
Une réforme du chômage pour lutter contre l’abus des contrats courts
Le gouvernement actuel semble compter sur la réforme de l’assurance chômage pour lutter contre l’abus des contrats courts dans de nombreuses entreprises françaises. En effet, l’usage du CDD ou de l’interim est régi par la loi, mais celle-ci n’a pas été actualisée depuis très longtemps. Pour Edouard Philippe, il est donc venu le temps de « responsabiliser les entreprises en leur demandant des contreparties (financières ndlr) ». Pour cela, le montant des cotisations patronales serait modulé en fonction de la fréquence d’utilisation des contrats courts. Si les entreprises ont un besoin de flexibilité, cela ne semble pas être la seule cause de l’explosion des CDD et contrats d’intérim d’après la ministre du Travail. Il faut donc que les employeurs puissent continuer à faire appel à de la main d’œuvre temporaire sans que cela impacte leur trésorerie.
A ce sujet, une idée de « bonus-malus » apparaissait déjà dans le programme de campagne d’Emmanuel Macron. Mais les syndicats ont manifesté leurs désaccords à plusieurs reprises lors des différents échanges avec les représentants de l’Etat. En cas de désaccord lors des futures négociations, c’est le gouvernement qui prendra une décision, et elle risque de ne pas plaire à tout le monde.
Quid du chômage des cadres supérieurs ?
Le gouvernement estime que la rémunération des cadres et le plafond actuel fixé à 7 550 euros brut (6 600 euros net) d’indemnité par mois doit être revu, notamment car il est largement supérieur à ce que pratiquent nos voisins européens. Muriel Pénicaud a cité le cas du Danemark où un montant maximal de 2 700 euros est versé aux demandeurs d’emploi. En France, en moyenne, la somme perçue par allocataire est de 1 100 euros net par mois. La ministre considère « qu’il est légitime de se poser la question de savoir si les règles d’indemnisation doivent être exactement les mêmes quand il n’y a pas de difficultés sur le marché du travail dans votre niveau de responsabilité et votre secteur d’activité ».
Pour justifier de cette idée, combattue de longue date par les organisations syndicales comme la CFE-CGC, le gouvernement met en avant le faible taux de chômage des cadres, aujourd’hui à 3,8 %. Il établit aussi une corrélation entre l’importance du montant perçu et la durée du demandeur d’emploi au chômage. “À proximité de la fin de droits, le taux de retour à l’emploi des gens qui appartiennent au dernier quartile de rémunération augmente sensiblement”, détaille l’exécutif. En clair, plus les gens touchent une allocation élevée au chômage, plus ils seraient incités à y rester.